Published on August 18, 2024 by Laura Iruegas
Les sociétés du monde entier sont de plus en plus déconnectées, fragmentées et en contradiction. Les parcs, les bibliothèques et les cours d’écoles pourraient-ils faire partie de la solution?
Selon Eric Kilnenberg, la réponse est oui.
Kilnenberg est professeur de sciences sociales à Helen Gould Shepard et directeur de l’Institut pour la connaissance publique, à l’université de New York. Ses recherches montrent que la manière dont les espaces publics, tels que les écoles et les espaces verts, sont planifiés, conçus et programmé, peut influencer de manière déterminante la façon dont nous interagissons avec les gens et avec l’environnement. Dans son livre Palaces for the People (des palais pour le peuple), Eric démontre que lorsque les espaces publics sont conçus pour promouvoir le lien social, par exemple grâce à des marchés programmés régulièrement, les étrangers deviennent des visages familiers et des réseaux d’amitié et de soutien mutuel peuvent se développer.
En prévision de la participation d’Eric à la conférence d’Evergreen 2024, nous l’avons interrogé sur sa conception très documentée de « l’infrastructure sociale » et sur la manière dont elle peut résoudre des crises multiples, sur la manière dont il traduit son travail en informations exploitables pour les décideurs politiques et sur ce qu’il espère que les participants retiendront de sa session: Des palais pour le peuple: comment l’infrastructure sociale peut aider à lutter contre l’inégalité, la polarisation et le déclin de la vie civique.
Dans votre livre Palaces for the People (des palais pour le peuple), vous mettez l’accent sur l’importance de l’infrastructure sociale. Pouvez-vous expliquer ce qu’est l’infrastructure sociale et comment elle peut aider à résoudre les problèmes sociaux tels que le crime, l’isolation et les changements climatiques?
« Lorsque je dis infrastructure sociale je fais référence aux lieux physiques qui façonnent nos interactions, des lieux tels que les bibliothèques, les parcs, les aires de jeux, et les piscines. L’argument de mon livre est que lorsqu’on investit dans l’infrastructure sociale, nous observons toutes sortes de retours sur notre culture civique et notre vie collective.
Dans les quartiers, de fortes infrastructures sociales signifient que les gens se rassemblent plus souvent, ce qui permet d’attirer l’attention sur la rue et de tisser des liens de soutien social. Lorsque nous négligeons l’infrastructure sociale, nous sommes plus enclins à nous replier sur nous-mêmes et à nous isoler. Il est beaucoup plus difficile de résoudre les problèmes communs, du crime aux changements climatiques, lorsque nous sommes livrés à nous-mêmes. »
Pouvez-vous partager un exemple qui illustre l’impact transformateur de l’infrastructure sociale sur une communauté?
« Je demande toujours aux gens d’imaginer ce que leur quartier serait sans aires de jeux. Tout le monde qui a été un parent, ou un enfant, sait à quel point les aires de jeux sont essentielles pour construire ses cercles d’amis et ses communautés. Essayez de deviner combien de relations existent dans votre ville parce que deux familles se sont rencontrées en poussant les enfants sur la même balançoire ou en les regardant grimper sur les jeux modulaires. Des milliers? Des dizaines de milliers? Des millions? C’est un nombre conséquent, et ces liens sont seulement possibles car les villes ont investi dans ces espaces partagées. »
En tant que sociologue et directeur de l’Institut pour la connaissance publique, à l’université de New York, comment traduisez-vous votre recherche en informations exploitables pour les professionnels et les décideurs politiques? Pourquoi cela est-il important?
« J’ai toujours été motivé par des études qui puissent faire la différence dans le monde réel, et non pas simplement enrichir les étagères de la tour d’ivoire. Je pense souvent à la communication. Comment puis-je écrire de façon à ce que les personnes en dehors de mon champ professionnel puissent comprendre mes arguments et prendre part à la conversation? Comment les interventions en public peuvent m’aider? Je reste également à l’écoute du terrain partout où je passe du temps, et en particulier là où je vis et travaille. Les questions que posent les sociologues viennent souvent des dilemmes que rencontrent les gens ordinaires au quotidien. »
La conférence d’Evergreen sera un rassemblement de plus de 600 personnes de tous secteurs, y compris des décideurs politiques, des OGN, des leaders autochtones, des architectes, des urbanistes et des défenseurs des communautés. Qu’espérez-vous que les participants retiennent de votre discours?
« Le but principal de mon discours est de présenter une nouvelle manière de voir ce qui fait fonctionner nos villes et nos communautés, et également de suggérer des actions concrètes que nous pouvons construire pour améliorer des conditions sociales immédiatement. Je sais que beaucoup de gens sont préoccupés par le fait que notre société est devenue plus isolée, plus atomisée, plus solitaire et plus dangereuse. Un autre monde est possible et je veux que mon travail suggère une manière d’avancer »
Alors que nous nous préparons pour la conférence d’Evergreen cet automne, le travail d’Eric nous rappelle que l’avenir de nos villes dépend de la façon dont nous concevons et utilisons les espaces publics. La force de nos villes et de nos communautés réside non seulement dans leurs infrastructures physiques mais également dans le lien social que ces espaces cultivent. En investissant dans les infrastructures sociales, nous pouvons créer des environnements qui rassemblent les gens, encouragent les liens et créent la résilience face aux défis de notre époque.