Enfants & éducation

L’école de la forêt sur le mont Royal: faire grandir l’esprit des jeunes

Que pouvons-nous apprendre de la nature? Laure Gicquiaux, cheffe des services éducatifs aux Amis de la Montagne, explique ce que les enfants découvrent dans une classe en plein air, entourés par la nature.

Publié le 12 Septembre, 2025 par Coralie Pinhal, Coordinatrice bilingue, Marketinget Communications

un enfant en forêt tenant un baton et un contenant
Crédit photo: Les Amis de la montagne

Dans un monde de plus en plus rivé sur les écrans, comment pouvons-nous aider nos enfants à déconnecter et à jouer en extérieur?



Un rapport du gouvernement du Canada a observé qu’un temps de loisir passé devant un écran plus important était associé à une mauvaise santé mentale chez les enfants et les jeunes. Ce constat alarmant de sédentarité chez les jeunes, associé à un déficit de nature, a encouragé des mouvements d’éducation par la nature afin de contrebalancer les effets négatifs des écrans sur la santé physique et mentale des jeunes.  

 

Ce sont nos incroyables espaces publics qui rendent vraiment possible l’apprentissage basé sur la nature, des endroits comme le mont Royal à Montréal. 

 

Pour en savoir plus, je me suis entretenue avec Laure Gicquiaux, cheffe des services éducatifs aux Amis de la montagne, un organisme de bienfaisance créé en 1986 pour œuvrer à la protection et à la mise en valeur des patrimoines, naturel et culturel du mont Royal, un parc urbain de 545 acres, qui sert de destination pour des activités telles que la marche, la randonnée et le patinage sur glace.    

 

Dans le cadre de leurs actions de conservation et de préservation, Les Amis de la montagne proposent des programmes éducatifs pour aider les enfants à acquérir de nouvelles compétences, à développer leur relation avec la nature, à sortir et à s’amuser. 



Evergreen : Qu’est-ce qui fait du mont Royal un espace public si apprécié dans la ville?  

Laure Gicquiaux : Le mont Royal est un repère visuel qui fait partie de l’identité de Montréal. C’est aussi une fierté qui est présente dans le paysage depuis toujours et au fil de l’histoire de la ville de Montréal. Beaucoup de gens ont des souvenirs associés au mont Royal : leur première expérience de ski, la raquette qu’ils ont aimée faire quand ils étaient jeunes, ou encore de voir des concerts ou une fête de la Saint-Jean.  

 

Les gens y reviennent souvent. Le lien se développe, ça devient leur montagne. Les premières visites, c’est sûr, on va au belvédère, on apprécie les éléments qui sont les plus visités. Puis petit à petit, on explore forêt, on trouve un endroit calme pour se reposer et on découvre d’autres coins du mont Royal qui sont plus cachés, ce qui fait aussi qu’on se l’approprie à travers le temps. 

 

De plus, les changements climatiques accentuent l’importance des espaces verts, surtout ceux qui sont vastes et grands. Concernant les réchauffements climatiques, plusieurs recherches ont été faites dans les dernières années : on parle de dix degrés de différence entre le mont Royal et le centre-ville. La montagne devient une véritable oasis verte au milieu de la ville quand il fait très chaud. 

 

un groupe de trois enfants en forêt explorent et cherche quelque chose sur le sol

Crédit photo: Les Amis de la montagne

 

Evergreen : Qu’est-ce que les enfants peuvent apprendre dans une classe en plein air qu’ils ne peuvent pas apprendre dans une classe traditionnelle?  

LG : On parle de plus en plus de l’école à l’extérieur et je pense que l’école et la nature sont complémentaires. En nature les jeunes apprennent des choses qu’on n’apprend pas à l’école.  

 

La nature est un environnement ouvert, vivant et dynamique à 360 degrés, où les jeunes apprennent à se tourner, à observer, à écouter, ce qui développe beaucoup leur curiosité. Cette curiosité les amène à poser des questions qui suscitent des réflexions hors du programme scolaire.   

 

Et apprendre de façon expérientielle, c’est toujours plus marquant! Par exemple, nous avons des sorties pour observer les oiseaux. Il arrive que les jeunes soient encore capables, trois mois plus tard, de nommer les espèces d’oiseaux vues. Cela veut dire qu’il s’est passé quelque chose ce jour-là. Probablement que l’enseignant·e a aussi fait un retour à l’école, mais peut-être que de voir les oiseaux en vrai leur a permis d’imprégner ce souvenir.  

 

Finalement, on remarque qu’en nature ça se passe mieux pour les jeunes qui rencontrent des difficultés d’apprentissage, pour qui la classe fermée où il faut rester assis·e est difficile. Le fait de pouvoir bouger et d’apprendre en nature étanche leur curiosité.  

 

Aux Amis de la montagne on veut former les protecteur·rice·s de demain du mont Royal. Notre mission est de créer un lien affectif entre le mont Royal et ses visiteur·euse·s. C’est l’émerveillement des jeunes qui finalement leur donne envie de protéger la montagne et qui forme les protecteur·trice·s de demain. 

 

Evergreen : Peux-tu nous expliquer le concept de l’école de la forêt?  

LG : Le concept d’école de la forêt est né au milieu du 20ème siècle au Danemark. Il part de l’observation d’un déficit de nature chez les jeunes qui affecte le développement de l’enfant. L’exemple que je prends souvent est celui de l’utilisation de la tablette, qui fait qu’on regarde tout en 2D et non en 3D, qu’on utilise avec ses doigts mais qu’on ne tient pas un objet, ce qui affecte la motricité et la vision des distances. 

 

Le but de l’école de la forêt est de combler ce déficit de nature pour développer la motricité, la confiance en soi, les capacités de communication, la curiosité, l’autonomie et le lien affectif avec la nature. 

 

Ce concept est arrivé plus récemment au Canada, entre 2005 et 2010. Aux Amis de la montagne, on s’est intéressé à l’école de la forêt et ses principes dès 2013. On met en avant l’importance du jeu libre, les enfants sont au cœur de leurs apprentissages. Les éducateur·trice·s initient les jeunes, mais ce sont les jeunes qui décident s’ils veulent participer ou non à ce qu’on leur propose. C’est important d’être capable de s’adapter en fonction de ce qu’on voit sur le terrain, puis de rebondir en permanence sur ce que les jeunes découvrent. Quitte à chercher tous ensemble dans des livres après. L’approche est fondée sur la curiosité et la réceptivité de ce qui nous entoure. 

 

Un des principes essentiels dans l’école de la forêt, c’est de ne pas utiliser le « non ». Au lieu d’interdire, il s’agit de questionner les jeunes sur leurs intentions : « pourquoi as-tu besoin d’utiliser un si gros bâton? » « Est-ce que tu penses que c’est une bonne idée? » Puis de les guider dans leur réflexion et dans leur gestion du risque plutôt que de l’interdire. On veut développer leur jugement critique.  

 

une main d'enfant tient un verre en plastique avec un ver de terre à l'intérieur

Crédit photo: Les Amis de la montagne

 

Evergreen : Quels conseils donnerais-tu aux parents, gardien·ne·s qui souhaitent reconnecter leurs enfants avec la nature?  

LG : Commencer le plus tôt possible! Même avant que les enfants marchent, être à l’extérieur développe des habitudes. Ils/elles peuvent entendre les sons et toucher, donc plus on commence tôt, plus ça favorise le développement global de l’enfant. 

 

On n’est pas obligé d’être dans un grand espace naturel : un arbre ou le parc au coin de la maison sont suffisants. L’important est de trouver un lieu où vous vous sentez à l’aise, où vous n’avez pas de gestion de risque à faire si jamais vous êtes inquiet·ète, plutôt que de vous empêcher de le faire. 

 

Il y a aussi beaucoup d’outils qui existent en ligne sur des activités qu’on peut faire, des informations sur ce qu’on peut mettre dans le sac de son enfant, des conseils pratiques pour gérer les petits bobos et tout ça. 

 

Donc il faut se faire confiance, tout va bien aller, puis essayer d’y aller par étapes : dix minutes, quinze minutes, trente minutes. 

 

En savoir plus 

 

Vous souhaitez vous lancer dans l’éducation par la nature? Si vous habitez Montréal, Les Amis de la montagne proposent l’école de la forêt sur le mont Royal pour différents âges.  


Si vous n’habitez pas à Montréal, vous pouvez tout de même vous lancer dans l’éducation par la nature. De nombreuses ressources sont disponibles en ligne gratuitement. Par exemple, vous pouvez télécharger ce cahier d’activités sur les arts et la nature ou encore ce guide d’activités en été et celui-ci en hiver. Le plus important c’est de se lancer, alors à vous de jouer!

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