Publié le 23 Juin, 2025 par Coralie Pinhal, Coordinatrice bilingue, Marketinget Communications
Sauter dans les flaques d’eau, grimper aux arbres ou jouer avec la terre, la plupart des enfants adorent jouer dehors et pour cause!
Le jeu à l’extérieur est essentiel au développement des enfants, qu’il s’agisse du développement de la motricité, de la souplesse et de l’équilibre ou du développement de liens sociaux.
Aménager une aire de jeux en plein air est un savant mélange entre favoriser les défis pour l’enfant tout en assurant que l’espace soit aussi sécuritaire que nécessaire. Dr. Marianna Brussoni professeure à l’UBC et directrice du Human Early Learning Partnership a déclaré que nos propres inquiétudes et notre désir de protéger nos enfants peuvent nous amener à fixer trop de limites, ce qui peut nuire à un développement sain. Elle aime rappeler aux parents que les enfants doivent être protégés autant que nécessaire, et non pas autant que possible.
En effet, les recherches montrent que les défis (ou la prise de risques) pour l’enfant sont une part importante de leur développement, car ils augmentent la confiance, renforcent les aptitudes motrices et les capacités à résoudre les problèmes.
Les défis ou le « jeu risqué » comprennent des activités qui vont de l’escalade et du saut en hauteur au simple fait de quitter le regard d’un adulte. Alors, comment pouvons-nous rendre accessible le jeu risqué à tous les enfants, avec la sécurité nécessaire?
Nous nous sommes entretenus avec Andrew Harvey, architecte paysagiste, concepteur et inspecteur d’aires de jeux chez Harvey & Kells.
Coralie Pinhal : Comment l’aménagement des aires de jeux affecte-t-il tous les types de développement de l’enfant?
Andrew Harvey : En tant qu’architecte paysagiste et concepteur d’aires de jeux, je dois prendre en compte différents groupes, différents âges et aussi différentes habiletés. Il s’agit de faciliter le développement du corps des enfants et de trouver les moyens d’améliorer leurs possibilités de jeu.
Alors, je cherche des éléments de jeu, composants et fonctionnalités qui offrent des possibilités de réflexion, d’expérimentation, des activités sensorielles ou vestibulaires. Notre système vestibulaire se trouve dans l’oreille interne et nous aide à développer notre stabilité et notre équilibre. Je cherche également des composants, des éléments naturels et des fonctionnalités qui renforcent les muscles, mais dans un contexte d’inclusivité.
Je pense à tous les utilisateurs, pas seulement aux enfants en bonne santé physique et mentale. Je prends en compte tous les enfants pour rendre l’espace accessible à tous.
CP : Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite réaménager sa cour d’école, de garderie ou son aire de jeux pour enfants?
AH : Premièrement, écoutez les élèves! Observez comment ils jouent. La conception participative, c’est très important, on ne veut pas construire une aire de jeux qui ne sera pas utilisée par les enfants.
D’après notre expérience, beaucoup de gens, enfants comme adultes, ont tendance à ne pas vraiment réfléchir à leurs besoins et à leurs envies. Ils se laissent emporter par les images Instagram et désirent ce qu’ils voient, sans réellement réfléchir à leurs besoins réels et à ce qui est vraiment important pour leur communauté. Je crois que le rôle des concepteurs dans le processus de consultation est de creuser en profondeur, d’avoir des conversations réfléchies sur ce que les enfants veulent faire.
Alors, je demande toujours aux enfants : qu’est-ce que tu veux faire? Est-ce que tu veux sauter? Est-ce que tu veux courir? Est-ce que tu veux jouer avec la boue? Il faut réfléchir à ce qu’ils veulent faire, s’en tenir aux actions, avant de trop développer la conception et avant de choisir des équipements.
Je considère les enfants comme mon client principal, mais je veux toujours discuter avec les parents ou les gardien(ne)s afin de leur expliquer ce processus de conception participative. Il y a une phrase que j’utilise beaucoup : aussi sûr que nécessaire, aussi amusant que possible, avec une valeur ludique. J’essaye de motiver les parents à s’impliquer dans le projet sur l’avis de fond, dans le travail d’aménagement, dans l’entretien et la maintenance, l’arrosage des plantes durant l’été, ce qui est très important.
crédit photo : Pas de géant
CP : Comment donnes-tu la priorité à l’accessibilité dans la conception des aires de jeux? La conception participative est-elle essentielle à cet égard ou as-tu également un ensemble de principes liés à l’accessibilité et à la sécurité?
AH : Bien que je sois convaincu que la conception participative devrait jouer un rôle important pour rendre les espaces accessibles, la réalité est que les réglementations et les normes en sont souvent le moteur. Les normes peuvent constituer un bon cadre, mais elles ne sont pas forcément spécifiques.
Par exemple, si je travaille pour une garderie avec une cour existante, je demande d’abord d’observer les enfants dans la cour afin de voir comment ils utilisent l’espace. J’identifie également les éléments négatifs de la cour. Souvent, les réglementations peuvent limiter les changements autorisés, il n’y a pas assez d’ombre et une surface d’asphalte. Quand on est sur une surface d’asphalte, on compte au moins 15 à 20 degrés de plus que sur une surface d’herbe. Parfois j’emporte avec moi un thermomètre afin de démontrer à mes clients la chaleur sur une surface d’asphalte. Dans mes projets, j’essaye d’introduire de l’ombre avec des arbres ou des équipements de jeu qui offrent aussi de l’ombre comme des voiles d’ombrage. L’ombre est un élément important de l’inclusion, car certaines personnes ne sont pas capables de réguler leur température interne, et quelques enfants continueront de jouer même sous 45 degrés. Je ne connais aucune norme ni exigence au Canada qui traite de telles questions. Il existe de nombreuses ressources qui fournissent des recommandations, mais les normes et les réglementations ne traitent généralement pas de la sécurité et de l’accessibilité en relation avec les conditions environnementales et climatiques.
Je suis convaincu qu’il est important d’offrir des défis, des possibilités de jeux aux enfants, même des risques dans le jeu. Je ne parle pas de dangers lorsque je parle de risques. Il existe des dangers comme la chaleur dont les enfants ne sont pas conscients. Nous avons un devoir envers les enfants d’offrir des espaces sécuritaires, donc nous devons prévenir ces îlots de chaleur.
crédit photo : Andrew Harvey
CP : Nous parlons des îlots de chaleur, peux-tu nous dire dans quelle mesure ton travail se concentre sur la résilience climatique des aires de jeux?
AH : J’encourage toujours mes clients à atténuer les effets des îlots de chaleur, à créer de l’ombre avec les arbres, à avoir des surfaces perméables et à tirer parti des conditions existantes du site qui sont écologiquement bénéfiques.
Les cours d’école ou de garderie sont généralement constituées de 40% d’asphalte et le reste est du gazon. Ici, dans l’est de l’Ontario, on a beaucoup d’argile dans nos sols. Deux fois par jour, à la récréation, ce sont des centaines d’élèves, je dirais plutôt comme des centaines de petits éléphants, qui piétinent la cour, ce qui compacte la surface d’argile et participe aux problèmes de drainage et d’accumulation d’eau.
L’accumulation d’eau est un défi qui demande beaucoup d’aération, de nivelage et de drainage que l’on doit ajouter aux cours existantes. Lorsqu’un architecte paysagiste peut intervenir avant que l’école soit bâtie, c’est plus simple, mais la plupart du temps, on est appelés à intervenir après que l’école a été ouverte pour une dizaine d’années ou plus. Donc les problèmes d’inondation doivent être pris en compte avant de construire l’aire de jeux.
Afin d’améliorer le drainage, on peut ajouter des plantes et des arbres qui vont absorber l’eau. Il faut choisir des plantes qui vont prospérer dans des endroits qui ont trop ou pas assez de soleil et qui sont éloignés de là où la neige sera entassée l’hiver, afin qu’elles ne soient pas endommagées par les chasse-neige et enfouies sous les bancs de neige. Lorsqu’on choisit la végétation, nous devons aussi faire très attention à la toxicité des plantes pour les enfants. Nous voulons choisir de la végétation qui offre des possibilités de jeu, d’expérimentation et d’apprentissage, mais sans danger. Il faut penser à la fois à la sécurité des enfants et à la valeur écologique pour le lieu.
CP : Qu’aimerais-tu voir à l’avenir dans la conception d’espaces extérieurs pour nos enfants?
AH : Je crois qu’il ne faut pas assister le jeu des enfants, il faut par exemple les laisser grimper tous seuls. Il faut encourager les enfants à juger d’eux-mêmes s’il y a un risque ou non et s’ils sont capables de prendre ce risque ou non. Je pense que c’est essentiel de laisser les enfants expérimenter et apprendre. C’est pourquoi j’aimerais voir l’implication des utilisateurs [les enfants] dans tous les aspects du projet.
J’aimerais voir plus d’eau, même des feux et de la faune quand c’est possible, dans nos aires de jeux pour offrir plus de défis, plus d’expérimentation et plus de possibilités de jeux aux enfants.
En savoir plus
L’incorporation d’éléments naturels dans une aire de jeux non seulement améliore l’aspect esthétique du lieu, mais offre également des expériences sensorielles et peut aider les enfants à développer un lien plus profond avec leur environnement. Si nous pouvons construire un lien entre les enfants et leur environnement local, ils seront plus impliqués dans leurs communautés et dans la protection de l’environnement.
Cette idée s’applique aux écoles adaptées aux changements climatiques. Grâce à la conception participative ainsi qu’à des innovations en matière de conception et de construction, les écoles adaptées aux changements climatiques présentent une série d’avantages pour les élèves, les communautés et l’environnement. Découvrez la première école adaptée aux changements climatiques au Canada et comment l’implication des élèves a influencé sa conception.